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La mort, c’est l'esprit qui repart en voyage vers un pays dont le corps ne connait pas la langue


Qu’il s’agisse de la nôtre ou de celle d’un proche, la mort est l’un des rares événements qui surviendra assurément un jour ou l’autre dans notre vie. Ce constat, certes contrariant, n’en demeure pas moins certain pour autant… Pour quelle raison refusons-nous dès lors, inconsciemment sans doute, mais obstinément quand même, l’idée de nous préparer à cette fin certaine ?

Bien que faisant partie intégrante de la vie, la mort reste un véritable tabou dans notre culture pétrie du déni de toutes les finitudes. Acceptant difficilement cette évidence qui nous dérange, nous usons de tous les subterfuges verbaux pour esquiver l’incontournable réalité. Ainsi disons-nous rarement d’un proche qu’il est mort. Nous préférons de loin l’idée qu’il est parti — ce qui, avouons-le, donne à la séparation un certain goût d’irrémédiable en moins.


Paradoxalement, alors que la mort envahit violemment nos écrans de télévision à l’heure du JT et des fictions, parler de la mort, la vraie, celle que nous vivons de tout près, semble malaisé dans notre société organisée pour que rien ne vienne entraver la conviction que nous pouvons tout contrôler, tout maîtriser. Nos quotidiens souvent routiniers nous donnent l’illusion d’une relative sécurité, dont nous refusons de voir l'infinie précarité. Bien souvent, il faut que nous perdions ce qui nous est cher pour mesurer la profondeur de notre attachement. À cet instant, et à cet instant seulement, nous sortons de notre torpeur pour regarder dans le rétroviseur avec regrets : "Ah, si seulement j’avais su..." , disons-nous parfois pour nous consoler, en rêvant d’un retour en arrière…


Mais qu’ignorons-nous au juste ? De quelle connaissance manquons-nous exactement lorsque nous regrettons de ne pas savoir ? Ignorons-nous que des circonstances extérieures peuvent chambouler du jour au lendemain une situation, une relation qui réjouit notre quotidien ? Ignorons-nous qu’un accident, une maladie peut emporter nos amis, nos amours, nos enfants, nos parents, nos amants ? Ignorons-nous tout ceci, véritablement ?


Notre chemin ne serait-il pas plus serein si nous acceptions enfin l’idée que nous ne sommes rien de plus que des passagers intérimaires sur cette Terre ? Ne serions-nous pas plus en joie si nous prenions pleinement conscience que nous ne sommes RIEN et TOUT à la fois ? Nos coeurs ne seraient-ils pas plus légers si nous parvenions à vivre pleinement l’instant présent, sans porter la mémoire du passé ou la crainte de l’avenir ?

Photo : © Jacques Latour - Laurence et sa maman Edith (1979)


Au-delà des émotions que la séparation physique suscite, la mort ne nous invite-t-elle pas à nous élever sur un plan supérieur pour nous interroger sur la grande énigme de l’après-Vie ?

Et qu'en est-il de l'avant-Vie ?

Et qu'en est-il de notre propre Vie — ici et maintenant ?


N’est-ce pas déployant d’oser poser ces questions sans réponse ? N’est-ce pas éclairant d’oser vivre à la lisière de l'Infini, sans chercher à comprendre ce que seul le coeur peut saisir, au-delà de l'espace et du temps ?


Oser vivre à l'écoute de son coeur.

Oser vivre pleinement, chaque instant, comme si c'était le dernier accord majeur à jouer dans la grande symphonie de notre Vie.


Y a-t-il plus belle façon d'honorer la mémoire de nos défunts partis en éclaireurs dévoiler un coin du grand mystère de la Vie ?

À méditer sans modération...



// LAURENCE LATOUR

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